Yves Bonnardel, La question animale est une question politique :
« La notion de spécisme, par l’analogie qu’elle opère avec l’idée de racisme, est particulièrement frappante. De fait, refuser le spécisme amène à remettre en cause les fondements mêmes de notre civilisation en promouvant l’égalité au-delà des frontières de notre espèce, abolissant par là l’ordre hiérarchique du monde et les morales fondées sur les appartenances. Ce sont des milliers de milliards d’individus autres qu’humains qui sont concernés, mais les humains aussi ont tout à gagner à la révolution égalitariste. »
·
Axelle Playoust-Braure, Les avantages stratégiques d’une approche matérialiste du spécisme :
Depuis
les années 70, l’utilisation d’une approche matérialiste en sociologie a
largement contribué à la pensée féministe et antiraciste. En forgeant
de nouveaux concepts (genre, rapports sociaux de sexe, sexage,
racisation…), l’enjeu a consisté à s’éloigner de l’appréhension
biologique de la race ou du sexe, pour en faire de véritables variables
sociologiques et ainsi mieux comprendre les rapports sociaux de pouvoir
qui les reproduisent.
Cette
approche peut-elle être appliquée à profit à l’espèce et aux rapports
humains/animaux ? Nous verrons qu’elle permet en effet de prendre le
contre-pied des explications en terme de “différence naturelle” pour
plutôt parler de différenciation sociale, de rôles et statuts sociaux,
de rapports de pouvoir ou encore de privilèges.
Au-delà
de l’intérêt théorique de la démarche, nous verrons que cette
reconceptualisation matérialiste présente des avantages concrets pour le
mouvement antispéciste : elle donne des armes pour contrer la fable
idéologique de l’élevage comme contrat implicite et mutuellement
bénéfique de don/contre-don, et permet de mieux comprendre
l’animalisation des groupes humains, et donc l’articulation des
« rapports sociaux d’espèce » avec les autres rapports sociaux de
domination.